Nabila Mazouz, Cofondatrice de l’ASBL “Jihad van de Moeders” (Le djihad des mères)

Vous êtes régulièrement en contact avec des femmes djihadistes coincées dans des camps en Syrie ou en Irak, et qui désirent aujourd’hui rentrer en Belgique. Faut-il selon vous leur permettre de revenir?

L’État doit intervenir afin de les réaccueillir dans leur pays, car elles restent – malgré tout – des citoyennes belges. Bien sûr, elles en passeront par la case prison, et il faudra alors un soutien psychologique et social afin que ces personnes puissent se reconstruire.

Quid des femmes parties avec leurs enfants?

Il a été dit que les dossiers seraient traités au cas par cas : il ne faut pas fermer la porte aux femmes qui souhaitent revenir, surtout celles qui ont des enfants. Comment expliquera-t-on à ces derniers – s’ils sont rapatriés – que la Belgique n’a pas voulu de leur mère ? Il faut penser plus loin qu’aujourd’hui. Autrement nous aurons un autre conflit à régler.

À supposer que ces femmes soient finalement rapatriées, pourra-t-on vraiment les réinsérer?

Rien n’est impossible. Cela fait à peu près un an qu’elles se sont rendu compte qu’elles étaient dans l’erreur. Je discute avec elles : elles font part de leurs regrets, de leur prise de conscience, etc. Et il est évident que cela sera plus facile de travailler avec elles, qu’avec d’ex-combattants hommes, en particulier si elles sont encore jeunes. Elles aussi ont droit à une seconde chance…

Quel a été selon vous l’élément déclencheur de cette “prise de conscience”?

À partir du moment où Daech a perdu du terrain, où leurs hommes mouraient de plus en plus, les femmes sont devenues indépendantes et ont dû commencer à subvenir seules à leurs besoins. Ce qui les a obligées à sortir de leur bulle : là, elles ont commencé à voir la réalité des choses.

En quoi consistait cette bulle? Difficile de croire qu’elles ne savaient rien de ce qui se passait…

C’est bien connu : toutes étaient enfermées dans des soi-disant maisons ou villas, sans savoir ce qui se passait à l’extérieur. Leurs maris disaient : “On part en mission quelque part”, sans qu’elles sachent en quoi cela consistait… elles ont fini par se réveiller.

Comment distinguer celles qui ont combattu de celles qui n’ont pas combattu?

Aucune des filles avec qui j’ai un contact là-bas, n’a combattu. Elles ne sont pas parties pour cela.

Pourquoi, alors?

Si elles sont parties, c’est parce qu’elles ne se sentaient pas à leur place en Belgique. Et qu’elles se sont senties utiles ailleurs. Les rejeter une deuxième fois, c’est inacceptable.

Entretien : Clément Boileau 

Koen Metsu Député fédéral (N-VA) – ancien président de la commission Lutte contre le terrorisme. La Belgique doit-elle entamer des démarches pour rapatrier les femmes de djihadistes actuellement en Syrie ? Non. La Belgique ne doit pas et ne va pas rapatrier de façon proactive des djihadistes sous ce gouvernement. ...

Koen Metsu, Député fédéral (N-VA) – ancien président de la commission Lutte contre le terrorisme.

La Belgique doit-elle entamer des démarches pour rapatrier les femmes de djihadistes actuellement en Syrie?

Non. La Belgique ne doit pas et ne va pas rapatrier de façon proactive des djihadistes sous ce gouvernement. Ces terroristes ont pris une décision réfléchie, celle de partir pour la Syrie et d’y combattre. Ils ont choisi de voyager en Syrie sachant parfaitement à quels risques ils s’exposaient. Wie zijn gat verbrandt, die moet op de blaren gaan zitten (NdlR : qu’on peut traduire approximativement par “Celui qui brûle son derrière doit s’asseoir sur ses plaies”). Je ne vois pas pourquoi nous devrions activement ramener ces personnes dangereuses dans notre pays. Ce ne serait pas rendre service à notre société. Peu importe le fait que ce soit le ou la djihadiste, que ce soit un homme ou une femme : un terroriste est un terroriste.

Faites-vous une différence entre une femme de djihadiste et une femme djihadiste dans le traitement des dossiers?

La différence n’est pas aussi flagrante, ce n’est pas noir ou blanc. Il faut voir au cas par cas. Certains nous diront qu’elles ne sont que des femmes. Mais elles ont voyagé avec des terroristes et sont à tout le moins complices des actes terroristes commis par leur mari. C’est aussi un délit terroriste.

Si une femme de djihadiste actuellement en Syrie revient par ses propres moyens en Belgique, que se passera-t-il?

Un simple voyage en Syrie est en soi un délit terroriste. Cela signifie que la personne en question est une terroriste, une criminel. Elle sera donc traitée comme telle par la police et la justice.

Les enfants belges actuellement en Syrie doivent-ils être, selon vous, rapatriés par la Belgique? Avec leur mère ou sans?

On doit faire attention à la qualification “enfant”, un enfant n’est pas l’autre. Je préconise certainement une approche au cas par cas. Un jeune homme de 17 ans entraîné au combat qui a déjà quelques morts à son actif doit être traité différemment qu’un enfant de 5 ans qui est clairement innocent et se trouve là à cause du comportement criminel de ses parents. Un tel enfant de 5 ans peut être rapatrié. Il me semble logique que ces enfants soient sortis de l’environnement criminel dans lequel leurs parents les ont plongés.

Propos recueillis par Thierry Boutte​

Bron: La Libre Belgique*, Wo. 12 Sep. 2018, Pagina 38-39